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Essais comparatifs sur les performances de maillots de natation

mardi 30 juillet 2024
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De nos jours, les performances entre les meilleurs athlètes d’une discipline sportive chronométrée tiennent dans un mouchoir de poche. Si l’on regarde les résultats de la finale du 50 mètres nage libre au mondiaux de natation de Fukuoka, seuls 86 centièmes de secondes séparent le champion du monde du nageur arrivé en dernière position. L’écart entre la deuxième et la troisième marche du podium n’était que d’un centième ! Aussi infimes soient-elles, les moindres possibilités de gain de performances peuvent alors totalement chambouler le classement, et certains de ces gains sont directement liés à l’équipement du sportif. Connaissant ces enjeux, Sixtine Kiegerl a eu l’idée de quantifier l’intérêt d’une tenue olympique par rapport à un maillot de bain classique pour son TIPE (Travail d’Initiative Personnelle Encadré, une épreuve commune pour les concours d’entrée au grandes écoles scientifiques). Séduite par la démarche, Aérodynamique Eiffel a accompagné cette étudiante des classes préparatoire Sainte-Anne de Brest pour la réalisation d’essais en soufflerie.

Des essais dans l’air pour prédire un comportement dans l’eau ?

Les essais en soufflerie ne sont pas uniquement limités à prédire un comportement dans l'air. En se basant sur le nombre de Reynolds il est possible de déterminer une vitesse équivalente dans l’air qui permette de reproduire la traînée qui s’appliquerait sur le nageur si l’on était dans l’eau. Le tableau-ci-dessous donnent quelques-unes des équivalences obtenues. A titre de comparaison, le record du monde au 50 mètres nage libre est de 20,91 s, ce qui correspond à une vitesse moyenne de 2,39 m/s.



 

  Vitesse de nage [m/s]

  0,5    1,0    1,5    2,0    2,5 

  Equivalence dans l'air [m/s]

  4,15    8,30    12,45    16,60    20,75 

 

Qu'est ce que la traînée ?

La traînée est une force qui s’applique à tout objet se déplaçant dans un fluide et qui s’oppose à son mouvement. Comme le nageur développe une puissance donnée, pour aller plus vite, il faut diminuer la résistance générée par l’eau.

La traînée d’un nageur peut se décomposer en deux parties : la résistance liée à la pression exercée par l’eau, et la résistance liée aux frottements de l’eau sur celui-ci. Pour limiter la première, il s’agir principalement de limiter « la surface » du nageur (combinaisons compressives, posture de nage). Pour limiter la seconde il faut jouer sur le matériau de la combinaison et faire en sorte que l’eau circule « le plus facilement possible » autour du nageur.

Les travaux de réalisés ici consistent à identifier l’impact du maillot sur cette seconde partie pour vérifier à quel point le matériau peut impacter les performances sportives.

Détails de l'expérience

L'expérience réalisée a été dimensionnée sur la base sur des travaux de Moria et al. (2011) qui visaient à déterminer l'impact de la position de la couture sur la traînée. En pratique il s'agit d’ajuster les maillots sur un cylindre en PVC simulant le haut de la jambe du nageur. Afin de s'assurer que les résultats soient comparables (les maillots de compétition cherchant généralement à comprimer la jambe du nageur), le cylindre n'est pas déformable, ainsi la surface au vent n'aura pas d'impact sur les différences de traînée mesurése. Comme il n’était pas possible de découper les maillots (prêt) pour les ajuster parfaitement au cylindre, ce dernier a été équipé d’une jupe en plexiglas dont le rôle est de masquer les éventuels excédents de tissu et ainsi s’assurer que les différents maillots soient testés dans les mêmes conditions. Le cylindre a ensuite été instrumenté sur une balance 6 composantes permettant de mesurer l’effort de traînée pour différentes vitesses. Un carénage en forme de goutte d'eau a été installé autour du bras de mesure. Comme ce carénage est découplé de la balance, cela permet de s'assurer que le bras ne subisse pas les effets du vent et donc n'impacte pas l'effort mesuré.

Les mesures ont été réalisées pour 11 vitesses d’air allant de 4,15 à 20,75 m/s ce qui correspond à des vitesses de nage de 0,5 à 2,5 m/s. Une première série d’essais aux cas extrêmes a été réalisée afin de déterminer la durée de mesure nécessaire pour obtenir un effort moyen stable (problématique de la convergence de la moyenne). Cette durée a été établie à 30 secondes pour une fréquence d’acquisition de 100 Hz (100 mesures par seconde).

Trois types d’essais ont été réalisés :

  • Cylindre seul dans le but d’avoir des données de référence ;
  • Maillot « grand public » afin d’en déterminer les performances ;
  • Maillot olympique afin de déterminer les gains qu’apportent celui-ci.

Chaque série de mesures a été réalisée plusieurs fois, en changeant d’opérateur et en prenant soin de démonter et de remonter l’expérience entre chaque série afin de s’assurer que les résultats obtenus soient bien reproductibles.

Résultats : des maillots adaptés à leur usage

Les résultats présentés ici correspondent à la moyenne de l'ensemble des résultats obtenus dans une configuration donnée.

Ils mettent en évidence un principe souvent méconnu : un équipement sportif est généralement optimisé pour une plage d’application bien donnée. Dans le cas de cette expérience on observe que le maillot grand public se révèle plus efficace que le maillot olympique pour des vitesses de nage standards (ici entre 1,25 et 2 m/s). Une fois cette plage de vitesses dépassée, le maillot olympique affiche les meilleures performances.

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Si l’on reprend les résultats de la finale des mondiaux de natation de 2023, les athlètes ont nagé à des vitesses moyennes allant de 2,28 à 2,37 m/s. Au vu des mesures réalisées à la soufflerie Eiffel, l’emploi d’une combinaison olympique est alors tout à fait justifié car nous sommes dans la zone où le gain de performance octroyé par le revêtement du maillot est réel. Toutefois, si la natation ne se résume qu’à une séance d’exercice hebdomadaire, il est très probable que vos performances soient meilleures avec un maillot acheté en grande enseigne qu’avec un maillot conçu pour la compétition.